Chercher le garçon
Le Grand Amour pour tous
« Peut-on coucher avec un marchand de kebab quand on est végétarien. Est-on plus sexy en lisant du Kundera ou du Marc Levy. Le sauna ou l’agence matrimoniale. Givenchy ou Margiela. »
Acteur, scénariste et réalisateur, Jérémy Lorca a un programme chargé ces temps-ci. Politiquement engagé, le court-métrage « Don du sang pour tous. next step? » c’était lui (à découvrir à la fin de notre article), son premier roman vient de paraître aux éditions Le Cherche Midi et tous les jeudis soirs jusqu’au 25 juin, il présente son premier one man show à L’Instinct Théâtre à Paris.
Chercher le garçon, le livre
Ellias va bientôt fêter ses 25 ans. Pour ce jeune gay parisien, ce passage est hautement redouté puisqu’il marque un tournant. celui où il est censé grandir, se caser, être heureux en couple et donc devenir adulte. Avec ses copains Emilien et Karim, aussi extravertis et sympathiques que lui, Ellias se donne un an pour trouver le grand amour, celui qui lui fera oublier les autres mecs, celui qui lui donnera envie d’être fidèle et qui lui sera fidèle. Mais un an, ça passe vite !
L’avis de Wyzman :
« A toutes les figures des nuits parisiennes, aux célibataires, à mes amis, à mes ex, à mes futurs, à toi qui arriveras un jour peut-être… » Dès la dédicace, le ton est donné. Chercher le garçon est un livre qui parle de nous (les mecs) et qui nous est volontairement destiné. Il y est donc question de fêtes (en présence de garçons), de copains (qui sont des garçons), d’histoires d’amour (avec des garçons), de relations sexuelles (également avec des garçons) et de séances shopping (entre garçons). Et rien que pour ça, on aime et on en redemande. Si la littérature féminine (si tant est qu’elle existe vraiment) regorge de bouquins drôles et caustiques, il est finalement rare de trouver son penchant masculin qui explore notre psyché et la question de l’expression de nos sentiments avec autant de justesse.
Sur 200 pages, Jeremy Lorca nous fait donc entrer dans le quotidien et l’intimité d’Ellias, un jeune homme que l’on pourrait sommairement décrire comme « un gay qui a réussi à Paris ». Il fréquente les bonnes personnes, va dans les bons endroits, a des amis loyaux et n’a pas trop à se fatiguer quand il est question de travail. Si les plus réticents à lire ce roman, franchement gai, pointeront rapidement tous les clichés et stéréotypes évoqués, il convient de préciser qu’ils ne sont là que pour entourer le personnage. Oui, Ellias utilise Grindr. Oui, Ellias fréquente la Flash Cocotte et la Doctor Love. Oui, Ellias va en vacances à Mykonos. Et alors. Combien de gays fréquentant « le milieu » ont justement le même mode de vie. Le name-dropping dont fait preuve Jeremy Lorca n’est pas là pour assommer le spectateur non-initié mais justement pour figurer du quotidien d’un gay qui s’assume et vit librement à Paris en 2015.
Parce que c’est là le cÅ“ur du sujet, il faut bien admettre qu’en matière de garçons, Jeremy Lorca sait y faire. Si au premier abord, on pourrait se dire qu’Ellias les collectionne et qu’il ne les appréhende pas comme il faut, comment ne pas se reconnaître en lui. Grâce à un arsenal de conquêtes allant du simple plan sexe à la relation sérieuse et longue distance, Chercher le garçon fait écho à beaucoup de nos propres histoires. Et la particularité du roman est qu’il ne mérite pas d’être lu uniquement par des homos. Les problèmes de tenues vestimentaires parlent à tous, de même que les débriefings avec les potes, les quiproquos pendant les date ou les dîners de famille un peu pompeux.
En partant d’un postulat assez simple mais vrai (l’homme d’aujourd’hui veut tomber amoureux mais ne dira jamais non à quelques coups de rein avec un beau mannequin), Chercher le garçon fait rire et réfléchir. Doté d’un style et d’une fluidité qui ne sont pas sans rappeler Les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin ou encore Mes illusions donnent sur la cour de Sacha Sperling, le premier roman de Jeremy Lorca est une franche réussite. Avec ses personnages atypiques, son narrateur aussi névrosé que nous et ses apostrophes brillamment mises en place, Chercher le garçon se dévore et se savoure n’importe où, n’importe quand et avec n’importe qui. Bah oui, ce serait quand même dommage de ne pas en faire profiter votre entourage. Mention spéciale à la grand-mère d’Ellias dont les répliques sont autant de punchlines que l’on rêve de ressortir.
Citation de Chercher le garçon :
« – Tu vas le revoir ?
РBen non, il a aval̩.
Emilien pense comme moi qu’ingurgiter le fruit du bonheur au premier rapport est vraiment vulgaire et rédhibitoire, et, crois-moi, pourtant on n’est pas vieille France. Le problème est que si on continue à être aussi féroces avec les mecs, on ne trouvera jamais de mari car aujourd’hui la concurrence est de plus en rude sur le marché du célibat gay. «
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